Ce billet, rédigé par Laurence Giuliani (directrice de l’agence de production sonore Akken) reprend les principaux échanges qu’elle a elle-même animés lors d’une « conférence sur le tourisme du futur », à l’occasion des 19èmes Rencontres du E-Tourisme en octobre 2022.
Cette conférence est toute particulière puisque les scénarios évoqués sont inspirés d’une démarche de design fiction que la scénariste Noémie Aubron définit ainsi : « [le design fiction c’est] décrypter les changements à l’œuvre et créer une conversation sur des futurs possibles avec les personnes autour de vous, s’aligner sur la vision des futurs possibles et enfin se demander : “Est-on prêts ?”. Le choix de cette démarche fictive mais plutôt réaliste trouve tout son sens dans un contexte post-covid qui a bouleversé les codes du tourisme et plus largement de la société. Cette pandémie a mis en lumière les incertitudes qui planent sur nos potentiels futurs et les changements radicaux qui peuvent surgir à l’issue de telles situations.
Cette conférence imaginaire se déroule alors en 2042, lors des 48èmes Rencontres Nationales du E-MetaTourisme, avec l’objectif de revenir sur les évolutions du secteur touristiques au cours de ces 20 dernières années, soit depuis 2022. Trois grands constats, chimériques, sont dressés :
1. La plateforme AIRBNB fait l’acquisition des Offices de Tourisme
En 2020, Airbnb lance son portail des territoires, dont la vocation est de créer un partenariat avec les collectivités locales volontaires pour contrôler ce phénomène grandissant de location entre particuliers. Mais en 2042, les instances publiques sont fortement endettées, les fonds européens servent au financement des crises multiples et la plateforme multinationale saisit la balle au bond : elle rachète l’Office de Tourisme de Paris et celui de l’île de la Réunion et s’impose davantage dans le développement local des territoires. Quelques offices de tourisme tirent leur épingle du jeu, ceux ayant adopté un nouveau modèle sur leur territoire, prônant à la fois un rôle d’agence de développement et un encadrement agile des pratiques touristiques responsables.
2. L’écroulement du métaverse propulse le retour des touristes « dans la vraie vie »
Après deux décennies de franc succès, les destinations touristiques présentent dans le métaverse ferment. Alors que les touristes s’étaient habitués à des vacances virtuelles, par manque de moyens ou par conviction environnementale, ces derniers devront considérer leurs prochaines vacances dans la vraie vie, particulièrement les jeunes générations qui ne connaissent pas les codes. Sauront-ils encore faire une valise ? réserver un hébergement ? se comporter correctement sur la plage ? Une aubaine pour les nouvelles agences de développement touristique de repenser leur mode d’accueil vers un accompagnement privilégié, mais aussi plus éphémère, low tech et responsable.
3. Le pacte de bonne consommation touristique pour répondre aux enjeux environnementaux
Depuis 2025, le pacte de bonne consommation touristique impose des contraintes aux visiteurs lors de leurs déplacements touristiques. La consommation énergétique de chaque visiteur est vérifiée par chaque établissement touristique et adressé en temps réel aux agences de développement touristique. Sont contrôlés le temps d’utilisation de la douche ou le niveau des températures des hébergements par exemple. Dans un souci de conciliation des usages et de bien-être des habitants, la gestion des flux sur les sites touristiques est également maitrisée, avec des plages mobiles qui s’ajustent en fonction de la fréquentation par exemple. Les avis sur cette approche sont controversés. Il est difficile d’encourager un système de contraintes alors que l’essence même des vacances vise à se relâcher et s’extraire du quotidien lourd de règles. Toutefois, les visiteurs cumulant un certain nombre d’éco-gestes se verront récompensés au fil de leur séjour par un allègement de certaines contraintes (droit à un bain, accès VIP à un lieu protégé…).