Les vacances en itinérance, un phénomène qui prend de l’ampleur !

Vacances en itinérance pédestre France Inter

Mercredi 20 juillet dernier, l’émission du programme Le téléphone sonne de France Inter était consacrée à l’itinérance en vacances. L’itinérance est un phénomène qui prend de l’ampleur, particulièrement depuis la sortie du premier confinement alors que les Français ont soif de nature et de liberté ! A pied, à vélo, en canoé, à cheval ou encore en van aménagé, en camping-car… des vacances à l’aventure qui associent mobilité douce et découverte.

La parole est ici donnée à quelques auditeurs pour illustrer leurs pratiques d’itinérance, ainsi qu’à trois intervenants pour apporter leur expertise sur ces sujets : Saskia Cousin, anthropologue et professeure de sociologie à l’Université Paris-Nanterre, Amanda Keravel, rédactrice en chef France du guide du Routard et Jean Corneloup, sociologue des pratiques récréatives.

piste cyclable mobilité douce véloL’itinérance à vélo

Le point de vue d’Amanda Keravel : la France est riche d’itinéraires balisés avec une importante structuration en cours de nombreuses véloroutes à travers tout le territoire. Des services qui se développent, autour du port de bagages notamment, permettent de partir sereinement en famille. L’intérêt de ces véloroutes, particulièrement les voies vertes, est alors d’éviter la cohabitation avec des véhicules ce qui évite de gêner la circulation et limite les risques d’accidents.

Le point de vue de Saskia Cousin : la montée en puissance de la pratique du vélo est une très bonne chose. Néanmoins, il est important de rester vigilant sur les potentiels conflits d’usages entre pratiquants. Par exemple, sur l’itinéraire de la Loire à Vélo, on observe une cohabitation difficile entre les familles qui vont à leur rythme et les cyclistes qui cherchent plutôt le côté sportif. Pour contrer cette cohabitation difficile, les Pays-Bas ont créé deux profils d’itinéraires : des autoroutes à vélo dédiées aux pratiquants souhaitant aller vite et des circuits de balade plus tranquilles pour les pratiquants souhaitant prendre leur temps. Lorsque les routes ne sont pas uniquement dédiées au vélo et que ces routes sont utilisées par les riverains, il conviendrait de bien informer les pratiquants que ces itinéraires sont partagés afin que les habitants qui empruntent fréquemment ces itinéraires puissent continuer de le faire dans de bonnes conditions.

Le point de vue d’une auditrice : le voyage à vélo est également choisi par souci écologique, notamment à travers une combinaison train et vélo pour aller plus loin. Néanmoins cela reste difficile en France avec des TER qui disposent de peu de place pour les vélos.

L’itinérance en camping-car ou van aménagé

Tendances des hébergements touristiques en 2021Le point de vue de Saskia Cousin : « Voyager en itinérance, c’est éviter des allers-retours entre le lieu d’hébergement et le lieu de visite, ce qui est moins couteux pour l’environnement ». Voilà l’un des arguments majeurs des entreprises de location de camping-car ou van aménagé. Bien qu’elle soit effectivement économique, il est peut-être un peu ambitieux de confirmer que cette pratique est écologique selon l’usage que l’on en fait. Mais les avantages sont nombreux : possibilité de se déplacer avec son chez soi, éviter d’aller au restaurant, ainsi que le fait de reprendre possession de son temps.

Le point de vue de Jean Corneloup : dans « itinérance » se retrouvent les termes « itinéraire » et « errance » avec l’idée de se laisser porter par l’itinéraire. La dimension d’itinérance récréative ouvre le champ des possibles : les pratiquants intéressés plutôt par l’itinéraire (choix d’un itinéraire en particulier, organisation minutieuse, accompagnement par des professionnels…) et les pratiquants plutôt intéressés par l’errance (flânerie, rencontres, laisser de la place à la surprise…). Il existe également des combinaisons à mi-chemin, entre ceux qui sont dans « l’itinérance-errance » et ceux qui sont en « errance-itinérée ». On observe alors non pas une mais plusieurs formes d’itinérances dont les différences sont parfois subtiles. C’est par ailleurs une façon pour les individus d’illustrer, à travers leur comportement d’itinérance, la façon dont ils veulent se situer dans le monde contemporain.

Le point de vue d’Amanda Keravel : l’itinérance, c’est aussi l’émergence de modes de vacances un peu plus insolites, c’est l’aventure, c’est partir, ce sont des rencontres et c’est la jubilation de pouvoir faire « ce qu’on veut quand on veut ». C’est la liberté en tant que telle, d’où le boom de ces pratiques multiples d’itinérance après de longs mois de contraintes liées à la crise sanitaire. Le numérique contribue largement à ces pratiques, grâce à des applications participatives comme Park4night.

L’itinérance pédestre

Le point de vue de Jean Corneloup : on évoque aujourd’hui la notion « d’itinérance existentielle » qui rappelle une forme de mise à l’écart du monde pour se retrouver et retrouver du sens à sa vie. Le temps, l’immersion dans la nature, la connexion à l’autre… ne sont pas les mêmes lorsqu’il s’agit de se déplacer avec des véhicules motorisés ou à pied. Mais l’enjeu aujourd’hui des randonnées au long cours ne consiste pas seulement à faire une pause dans la vie quotidienne et reprendre le même rythme au retour. Il s’agit de nourrir une réflexion autour de potentiels changements dans les modes de vie.

Et pourquoi pas construire un mode de vie autour de l’itinérance avec des individus qui ne voudraient pas partir simplement 3 semaines ou 1 mois, mais 6 mois, 1 an, 2 ans, 3 ans sur les chemins du monde.

La vie en itinérance permettrait d’ouvrir d’autres registres sur ce qui qualifie le bien-être et la santé, de s’ouvrir à d’autres façons de penser.

Le point de vue d’Amanda Keravel : la marche est l’activité la plus naturelle et la plus ancestrale qu’il soit pour l’homme. Gratuite et saine, elle s’adresse à la plupart d’entre nous à la fois pour se déplacer et pour déconnecter. Notre objectif est d’inspirer des itinérances courtes et de proximité, des petites aventures de quelques jours seulement, pour s’imprégner d’univers dépaysants à portée de chez soi. Proposer des randonnées à thème est également l’une des nouvelles façons de s’emparer de l’itinérance : rando-fromage, rando-vin… pour combiner cette activité naturelle à une expérience.

Le point de vue d’un auditeur : Certains itinéraires sont devenus des « musts » et sont alors très fréquentés. D’autres itinéraires sont plutôt axés sur la saison estivale avec des services minimes en dehors de cette saison. Ces contraintes obligent à plus d’organisation du séjour en amont, notamment pour se loger, ce qui contraint l’idée de se laisser porter, d’errer.

Kayak - des mesures de régulation pour contrer la sur-fréquentation des Calanques de Marseille

L’itinérance sur l’eau ?

Le point de vue d’Amanda Keravel : même si l’itinérance sur l’eau ne s’adresse pas à tout le monde (en canoë, en kayak), c’est une pratique originale qui se développe et dont se saisissent les prestataires touristiques, notamment en Bretagne.

La coordination des territoires autour de l’itinérance

Le point de vue de Saskia Cousin : la pratique de l’itinérance est antinomique avec les limites administratives. Les territoires doivent plutôt penser celles-ci en s’intéressant aux pratiques multiples des itinérants. Cette réflexion à l’échelle des collectivités territoriales, ainsi qu’à l’échelle nationale, doit porter sur les différents modes de transport, mais aussi sur les différents modes d’hébergement.

Le point de vue d’Amanda Keravel : pour certains territoires, cette coordination autour de l’itinérance est une vraie réussite à l’instar de la vallée du Loir où les différents départements traversés se sont mobilisés pour offrir un accueil de qualité aux cyclistes itinérants. Le site web dédié qui regroupe divers prestataires et organismes en est une belle illustration.

L’itinérance, un outil d’apprentissage

Le point de vue d’une auditrice : « Dans l’itinérance il y a toujours des galères, et c’est dans ces galères-là que se trouvent les plus beaux souvenirs mais aussi la plus grosse force pour affronter le quotidien, pour avoir moins peur de l’inconnu, de l’imprévisible… ».

Le point de vue de Saskia Cousin : pendant une longue période, l’itinérance était plutôt identifiée à une certaine catégorie sociale qui emmenait les enfants marcher en montagne, faire du bateau, etc. Il y a aujourd’hui une plus grande part de la population française qui a des pratiques d’itinérance. Celles-ci viennent quelque peu compenser les apprentissages (tels que vivre ensemble, se débrouiller, affronter les petites difficultés, se confronter à l’inconnu) issus précédemment des colonies de vacances qui ont peu à peu disparu. Toutefois, un déséquilibre perdure car les classes populaires qui privilégiaient les colonies de vacances ne partent plus.

 

En conclusion, l’itinérance revêt de multiples pratiques, présentant l’avantage de toucher de nombreux publics. De quelques heures à quelques mois, proche de chez soi ou à l’autre bout du monde, avec accompagnement ou en autonomie… On assiste effectivement à une économie touristique émergente autour de l’itinérance. Pour autant, Saskia Cousin recommande d’accompagner les non-initiés dans l’organisation et la réalisation de leur itinérance pour que celle-ci soit la plus fluide et sécure possible.

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