Biomimétisme et tourisme : et si les fourmis détenaient la solution au tourisme de masse ?

Le biomimétisme inspire le tourisme

Le tourisme de masse est souvent décrié. Et pourtant, il a joué un rôle clé dans la démocratisation des voyages. Aujourd’hui, le problème n’est pas tant le nombre de touristes que leur dispersion incontrôlée : un passage rapide d’un tourisme organisé à un tourisme individualisé, qui entraîne une fréquentation accrue de sites fragiles, une surconsommation des ressources et un boom des déplacements carbonés.

 

La faute aux touristes ?

Pas uniquement. Les habitants eux-mêmes participent à cette pression : sorties du week-end, résidences secondaires, événements locaux… En Ille-et-Vilaine, par exemple, 55 % des résidences secondaires sont détenues par des Bretons eux-mêmes. Et l’offre ne fait qu’accentuer ce phénomène : 75 % des hébergements touristiques en Bretagne sont concentrés sur le littoral. Résultat ? Hors saison, impossible de trouver un restaurant ouvert.

 

Alors, comment réconcilier tourisme et équilibre territorial ?

Lors des Rencontres du Tourisme de Bretagne, une piste fascinante a émergé : s’inspirer du vivant. Et si les solutions étaient déjà sous nos yeux, affinées par 3,8 milliards d’années d’évolution ?

 

Le biomimétisme : apprendre du vivant pour innover

Le biomimétisme, posé comme concept en 1997 par Janine Benyus, vient du grec bios (vie) et mimesis (imiter). Contrairement au biomorphisme, qui se contente de reproduire les formes du vivant (comme des bâtiments inspirés de nids d’abeilles), le biomimétisme va plus loin : il cherche à comprendre et appliquer les stratégies du vivant pour créer des solutions plus durables.

L’ADEME le définit comme une stratégie d’innovation qui s’inspire du fonctionnement des écosystèmes naturels pour développer des technologies, des organisations ou des modèles économiques plus sobres et efficients. Mais attention, toutes les inspirations ne sont pas éthiques. L’armée, par exemple, a été la première industrie à s’inspirer du vivant pour développer des armes, comme le robot SPOT mini, directement influencé par la biomécanique animale.

 

Une banque de solutions bien éprouvées

L’idée d’imiter la nature ne date pas d’hier. Léonard de Vinci l’écrivait déjà : « Va prendre tes leçons dans la nature, c’est là qu’est notre futur. » Il avait observé les chauves-souris pour imaginer des ailes artificielles.

Depuis, nombre d’inventions du quotidien viennent du biomimétisme :

  • Le velcro, inspiré des crochets des fleurs de bardane.
  • Les revêtements étanches imitant la structure des ailes de papillons.
  • Les aiguilles de seringues, calquées sur le dard des moustiques pour être moins douloureuses.
  • Les fils d’araignée, étudiés pour créer des plastiques ultra-résistants.

Mais qu’en est-il du tourisme ?

 

Tourisme et biomimétisme : des solutions qui prennent leur envol

Le tourisme repose sur trois besoins fondamentaux : se déplacer, se loger et gérer les ressources. Et dans ces domaines, le vivant excelle.

1. Mieux se déplacer grâce aux oiseaux et aux requins

L’aviation a longtemps été inspirée par le vol des oiseaux. Aujourd’hui, les progrès continuent :

  • Les winglets, ces extrémités d’ailes recourbées, sont directement inspirées des cigognes et des aigles. Elles réduisent la traînée et permettent aux avions de consommer moins de carburant.
  • La peau des requins a inspiré des revêtements adhésifs appliqués sur les fuselages pour limiter la résistance à l’air et diminuer la consommation énergétique.

Côté ferroviaire, c’est un bec d’oiseau qui a amélioré nos trajets : le nez des trains à grande vitesse japonais reprend la forme du bec du martin-pêcheur, ce qui réduit les bruits et la compression lors des passages en tunnel.

Mais les solutions viennent aussi du sol ! Les fourmis optimisent leurs déplacements en déposant des phéromones pour fluidifier la circulation et éviter les encombrements. Cet algorithme naturel a inspiré des systèmes de guidage GPS comme Waze.
Appliqué au tourisme, ce principe pourrait aider à mieux gérer les flux :

  • Diriger les visiteurs vers des itinéraires moins fréquentés.
  • Ajuster en temps réel l’offre touristique selon la fréquentation.
  • Interconnecter les sites pour répartir les visiteurs intelligemment.

 

2. Construire des hébergements inspirés des termitières

Les animaux savent construire efficace et durable. Deux exemples parlants :

  • Les termitières, grâce à une ventilation naturelle sophistiquée, maintiennent une température stable, qui a inspiré des bâtiments bioclimatiques à climatisation passive.
  • Les pommes de pin s’ouvrent et se ferment en fonction de l’humidité. Ce mécanisme est utilisé dans des façades intelligentes qui s’adaptent automatiquement aux conditions extérieures.

 

3. Gérer les ressources avec ingéniosité

Les écosystèmes naturels sont passés maîtres dans l’optimisation des ressources. Et si on s’en inspirait pour le tourisme ?

  • Le scarabée du désert du Namib condense l’humidité de l’air pour s’hydrater. Son ingénieux système a donné naissance à des filets de récupération d’eau de pluie pour les régions arides.
  • Le papillon morpho capte l’énergie solaire avec une efficacité remarquable, inspirant de nouveaux types de panneaux photovoltaïques.
  • La phytoépuration, utilisée pour filtrer naturellement les eaux usées, fonctionne sur le même principe que les plantes qui assainissent leur environnement.

 

Du biomimétisme au tourisme régénératif

Le biomimétisme ne se limite pas à copier la nature. Il ouvre la voie à une économie régénérative, où les déchets des uns deviennent les ressources des autres, à l’image du castor ou du bernard-l’ermite, qui réutilisent intelligemment les ressources locales pour s’adapter à leur environnement.

Et cette vision est déjà une réalité :

  • Au Danemark, le port de Kalundborg fonctionne sur un modèle d’écologie industrielle, où les rejets d’une usine deviennent les matières premières d’une autre.
  • Dans la même optique, à Grenoble, les eaux usées de l’agglomération sont collectées et traitées par une usine de dépollution. Après plusieurs étapes de filtration, les boues restantes sont transformées en biogaz par un méthaniseur. Le biogaz est réinjecté dans le réseau urbain pour produire de la chaleur et alimenter les bus de ville.
  • Certains territoires s’inspirent des écosystèmes en développant des services circulaires : par exemple, des vélos cargo collectent les biodéchets des restaurants pour les transformer en compost local.

 

Coopération, auto-organisation, résilience… autant de stratégies éprouvées par le vivant, qui nous offrent un modèle durable pour sortir de l’économie linéaire fondée sur l’épuisement des ressources.
Le plus ? En expliquant ces concepts aux visiteurs, on leur permet de poser un nouveau regard sur la biodiversité et de mieux en percevoir la valeur.

Alors, prêts à suivre les traces des fourmis ?

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