Il y a des événements qu’on ne peut pas vraiment “retranscrire”. Trop de rencontres, trop d’idées, trop de petits imprévus qui font tout le sel du moment. Alors plutôt que de vous livrer une énième synthèse de la 10ᵉ édition des Universités du Tourisme Durable (UTD), on a choisi de vous raconter… l’envers du décor. Thème de l’édition 2025 : le vivant !
Ces instants volés, ces échanges impromptus, ces discussions qui naissent à la pause-café, entre deux tables-rondes.
Parce que finalement, c’est bien ça, le vivant : des rencontres, des inter-connexions, des rapports “écosystémiques” dans la biosphère des Acteurs du Tourisme Durable en quelque sorte.
[Les UTD sont organisées par les Acteurs du Tourisme Durable et portait cette année sur le thème du vivant.]
Avant la scène : la veille, tout se joue déjà
Ceux qui connaissent les UTD savent que pour les membres du réseau, on se met en jambe dès la veille !
Une après-midi format “petit comité”, entre retrouvailles et nouvelles têtes. On ne le répètera jamais assez : c’est le moment à ne pas manquer. Les conférences du lendemain sont denses, les pauses trop courtes — alors si vous voulez vraiment plonger dans l’ambiance, mieux vaut commencer ici.
Cette année, le programme avait des airs d’échauffement collectif :
- rencontre avec les nouveaux adhérents de la promotion 2025,
- visite guidée du Village des Solutions,
- puis un atelier de réflexion par collèges : territoires, associations, entreprises, bureaux d’étude…
Au menu : une question à 100 points (et quelques débats passionnés) : Quelle solution pour préserver la biodiversité dans nos métiers ?
On a bien sûr parlé d’études d’impact et de sensibilisation — l’éternel combat entre présence de chiens sur les plages et sensibilité des oiseaux nicheurs sont revenus dans la conversation — mais le mot qui a fait mouche, c’est “sanctuarisation”.
Et pour ça, pourquoi ne pas se saisir de l’ORE (obligatoire réelle environnementale) ? Cet outil juridique, créé en France par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016, permet aux propriétaires fonciers de faire naître sur leur terrain des obligations durables de protection de l’environnement. Un outil pas si complexe, et à la portée de tous ou presque. Car si l’on connaît les différentes protections existantes (plus d’une cinquantaine en France), entre sites classés, parc national, réserve intégrale ou simple bon sens collectif : jusqu’où peut-on protéger sans exclure ?
Les têtes-à-têtes (et les belles surprises)
Le « before » des UTD 2025, c’était aussi l’occasion de têtes-à-têtes planifiés, mais riches en surprises.
C’est là qu’on a croisé Céline Casteels, qui nous a éclairés sur le modèle wallon : là-bas, pas de SPL mais des entreprises intercommunales sous forme de sociétés coopératives qui prennent le relais. Un modèle à creuser, comme celui d’Igretec, qui donne un coup de frais à la gouvernance touristique.
Autre halte, autre histoire : bienvenue à Pléneuf-Val-André. La station a choisi de sortir de l’Office Intercommunal pour reprendre la main. On a discuté restauration locale, entre l’élan design impulsé par la région Bretagne (opération design culinaire) et la réalité du terrain : approvisionnement, qualité, prix. Avec en toile de fond, la vedette incontestée : la coquille Saint-Jacques.
Et puis, une belle discussion sur la formation avec l’équipe de l’Office de Tourisme de Normandie, parce que transmettre, c’est déjà transformer. Leur stratégie ? Commencer par la RSE pour mobiliser les équipes, retravailler les SADI (schéma d’accueil) pour traiter la question de la fréquentation, puis accompagner les territoires vers des démarches de labellisation globales — comme Bagnoles-de-l’Orne, pionnière normande de Green Destination en France.
On a même eu le temps d’aller à la rencontre de GreenCast, entreprise qui utilise l’IA pour analyser la durabilité globale (et pas seulement l’offre labellisée) d’une destination. Accueil, inclusion, perception de la propreté, ou même grossophobie : des critères rarement mesurés, mais pourtant essentiels pour une vraie hospitalité durable.
Et quand la journée s’éteint… les échanges continuent
La journée se termine souvent autour d’un verre — et parfois d’un fromage (mention spéciale au Rocamadour apporté par Lot Tourisme et à la tomme de sarrasin des bretons). C’est là que les conversations prennent une autre tournure.
Avec la SPL de Saint-Nazaire, par exemple, on a parlé résilience financière. Contrairement à d’autres OT ou ADT contraints de “vendre” leurs services à leurs partenaires, la force de la SPL réside dans le tourisme industriel ou plus largement dans la gestion internalisée d’équipements performants. Chantier de l’Atlantique, sous-marin, centre dédié aux éoliennes … et même un petit nouveau : la Cité des Moussaillons ouverte aux enfants dès 2 ans (et ce type d’offres adaptées aux enfants en bas âge, c’est assez rare).
À l’autre bout du spectre, on a échangé avec l’OT de l’Auxerrois, qui venait à peine de terminer l’organisation du congrès ADN Tourisme (500 participants !). Leur agence “Destination Auxerre” regroupe OT et gestion du centre des expos : une structure hybride pour simplifier l’événementiel et proposer des offres cohérentes.
On a aussi découvert Petit Roseau : des savons liquides sans plastique, en poudre à diluer, et personnalisables (jusqu’à la fragrance !) — une belle idée pour les hôteliers qui veulent rendre leur offre plus responsable.
Enfin, nous avons replongé dans le vaste sujet de la mobilité décarbonée avec Nouvelle-Aquitaine Tourisme. Leurs séjours “bas carbone” sont désormais commercialisés avec des tours opérateurs alignés sur leurs valeurs. L’enjeu ? Travailler en lien avec la SNCF malgré une gouvernance complexe entre AOM régionales et opérateurs. La question de l’emport vélo, toujours pas universelle, en est un bon exemple. Débat vif aussi sur l’ouverture à la concurrence : menace ou levier pour les territoires ? L’ADEME, co-organisatrice cette année, en a profité pour annoncer ses prochains travaux sur la mobilité intermédiaire. Une idée a fusé : et si c’était le thème des UTD 2026 ?
Jour J : “Le vivant au cœur” — Paroles et images fortes
Ouverture de cette 10ᵉ édition avec un expert du vivant
Et dès la conférence d’ouverture, Tarik Chekchak, expert du vivant, a rappelé les enjeux : dépassement de la 7ᵉ limite planétaire, acidification des océans… Mais loin du jargon, place aux images.
💡 “Si on vous proposait de vous couper un bras, mais qu’en échange on offrait un bras bionique à d’autres, vous accepteriez ?”
Une métaphore percutante pour illustrer les limites de la compensation : quel intérêt de sacrifier une zone humide pour replanter une mangrove ailleurs ?
🎲 Autre image marquante : le Monopoly.
Le jeu devient le monde : ses règles, nos réglementations, nos processus. Si l’on veut faire gagner la biodiversité, il faudra changer les règles… et nos habitudes.
🌊 Et puis ce surfeur, face à la vague.
Une réponse à un témoignage exprimant le découragement face au flot d’outils et d’indicateurs. Faut-il tout maîtriser ? Ou “embrasser” la vague ? Un appel au lâcher-prise pragmatique.
Des images qui restent, parce qu’elles font réfléchir sans moraliser.
Quand les étudiants de l’INNTO montent sur scène
Clou du spectacle de cette inauguration matinale : la performance des étudiants des Instituts Nationaux de Tourisme.
Un “drop” de livres pour ouvrir le bal — symbole d’une génération qui ne veut plus seulement apprendre, mais agir. Ils rappellent cette phrase : “Quand on aime, on protège” et nous invitent à réfléchir à l’“Ikigai”, ce terme japonais qui désigne “ce qui mérite d’être vécu”. Leur plaidoyer :
- Des valeurs durables communiquées dès l’offre d’emploi,
- Que les postes puissent évoluer rapidement pour s’adapter à une jeunesse en quête de sens,
- Et que la charge émotionnelle des métiers soit enfin reconnue.
Ils rappellent cette phrase : “Quand on aime, on protège”
Dans la salle, la parole circule
Nous sommes ensuite passés aux tables rondes, plus propices aux échanges. Les participants en disaient long sur les tensions du secteur :
Premier coup de gueule (très applaudi) : ras-le-bol des outils technos trop éloignés du terrain. Un message clair : même les plus diplômés peinent à s’y retrouver, entre réglementations rigides et grilles inadaptées.
Le casse-tête s’amplifie à l’échelle du bassin de vie : complexité des partenariats public/privé, nécessité de coopérer, mais difficulté à obtenir des financements. Exemple frappant : la Cité du Chocolat (labellisée Divertissement Durable) qui agit concrètement sur la qualité de l’eau via un partenariat territorial autour de son forage.
Et puis il y a la question des priorités. Lors d’une table ronde sur la consommation d’eau, les échanges ont été riches en solutions concrètes et intelligentes, applicables à tous : campings, ports, îles… Concours de sobriété, limitation du temps de douche, “vente” d’eau supplémentaire via des jetons, réutilisation des eaux usées pour les piscines en tension hydrique, ou encore utilisation d’eau de mer pour le nettoyage des bateaux. Mais une voix s’est élevée pour rappeler un enjeu tout aussi crucial : la qualité de l’eau. Elle a évoqué le phénomène des cyanobactéries, de plus en plus présentes dans les zones de baignade, exacerbées par les vagues de chaleur. Un phénomène complexe, mal connu, face auquel les acteurs se sentent souvent impuissants.
Parce que le durable, c’est aussi ça : des défis du quotidien, et pas seulement de grandes stratégies.
Et comme toujours… un final ludique
On termine en légèreté avec un Kahoot !
Savez-vous que la consommation d’eau moyenne des français est 1,5 fois plus élevée lors de leurs vacances qu’à leur domicile ?
Et que, selon la “règle du bonheur”, il suffit de voir 3 arbres depuis chez soi, de vivre dans un quartier qui compte 30% de canopées et d’habiter à 300 mètres d’un espace naturel pour bien vivre ?
Autres chiffres qui marquent : sur les 8 millions d’espèces estimées sur Terre, un million est aujourd’hui menacé.
Et pour la première fois dans l’histoire, la biomasse humaine et celle de ses constructions (bâtiments, routes, infrastructures) dépasse celle de l’ensemble du vivant sur la planète.
Un clin d’œil final pour nous rappeler que le vivant commence… juste dehors.
Les Universités du Tourisme Durable étaient organisées cette année à Angers les 9 et 10 octobre par les Acteurs du Tourisme Durable, Destination Angers, Anjou tourisme, Solution & Co, INNTO.



































