Quand le PNR Normandie-Maine joue les stars de la géologie, Mélanie Massias nous présente le label Géoparc mondial UNESCO

Géoparc UNESCO Normandie Maine
Qui aurait cru qu’un territoire de bocages normands, sans montagnes spectaculaires ni volcans en éruption, décrocherait un jour le prestigieux label Géoparc mondial de l’UNESCO ? Et pourtant, c’est exactement ce qu’a accompli le Parc naturel régional (PNR) Normandie-Maine.
Une success story de développement local à la française partie d’une simple étude touristique ! Avec à la clé, un nouveau regard sur les paysages, les patrimoines, les savoir-faire du territoire … et une fierté collective qui rayonne bien au-delà des frontières régionales.
Mélanie Massias, directrice adjointe du Parc naturel régional (PNR), devenu récemment Géoparc mondial UNESCO, Normandie-Maine, revient avec nous sur cette aventure ambitieuse qu’elle a vécue en première ligne, de la candidature au pilotage du label.

Un Géo-quoi ? Mélanie, c’est quoi exactement les Géoparcs mondiaux de l’UNESCO ?

Geoparc Normandie MaineLe label Géoparc mondial UNESCO est un label assez jeune. Il a 20 ans d’existence. Il a d’abord été créé par des territoires en Europe qui voulaient préserver l’héritage de la mémoire de la Terre. Ils se sont structurés au fil d’une dizaine d’années en un réseau européen puis mondial.

En 2015 : il a ensuite été intégré dans un programme de l’UNESCO : celui des Géosciences, pour devenir aujourd’hui un label international co-porté par l’UNESCO et le réseau des Géoparcs mondiaux.

Notre trait d’union : nous partageons un patrimoine géologique de portée internationale et nous nous engageons pour préserver cet héritage et en faire un levier de développement local.

Aujourd’hui, le label vient distinguer un territoire pour son patrimoine géologique, reflet d’une partie de l’histoire de la planète, mais surtout pour la dynamique portée par l’ensemble des acteurs qui en fait un levier de développement et de sensibilisation.

L’explication en vidéo  👇

Un label de plus pour un territoire déjà certifié Parc naturel régional ? Une quête de reconnaissance internationale ?

C’était la grande remarque critique du réseau des Géoparcs : pourquoi vous allez chercher ce label ? Comment allez-vous le faire vivre en complémentarité de celui du Parc ? Notre histoire est particulière et assez atypique. De nombreux territoires dans le monde se structurent sous l’impulsion du projet de labelisation Géoparc. Nous, ce n’était pas notre cas puisqu’on était déjà Parc naturel régional. Mais pour vous répondre, il va falloir que je remonte aux origines du projet, à une époque où, il faut bien l’avouer, on était un peu perdus en matière de positionnement touristique !

En Normandie-Maine, on est PNR depuis 1975. En matière de tourisme, les premiers salariés ont assisté à la création du tourisme vert et les Parcs se sont positionnés sur ce volet. Ils ont créé des bases de loisirs et accompagné le développement de la randonnée. Et puis progressivement avec l’émergence des collectivités locales et des acteurs privés, ce n’était plus notre rôle…
De nouvelles structurations à l’échelle des Départements et des Régions ont vu le jour. En 2015, il y a eu la loi Notre. Notre territoire est sur 2 Régions, 4 Départements, 16 EPCI. Avec un tel découpage, c’était compliqué de trouver notre place en complémentarité de tous ces acteurs.

A cette époque, nous étions déjà gestionnaires de deux équipements touristiques : un centre d’interprétation du Parc et un Musée de France dédié au Poiré. Deux autres postes en interne œuvraient également au développement touristique : promotion du territoire, valorisation de site par la création de parcours… Mais on voyait bien qu’on était à une place qui n’était plus la nôtre en matière de tourisme et qu’il fallait clarifier notre positionnement. On ne pouvait pas être partout.

Mais on voyait bien qu’on était à une place qui n’était plus la nôtre en matière de tourisme et qu’il fallait clarifier notre positionnement.

Et il y a eu une bonne rencontre !
Je suis tombée sur Raphaël Bouju du bureau d’études Atemia dans un séminaire communication de la Fédération des Parcs naturels régionaux. Sa présentation correspondait vraiment à l’état des lieux et au diagnostic dont nous avions besoin. C’est ainsi que nous avons mobilisé le bureau d’études qui a réalisé un bilan de positionnement touristique début 2018. Ce bilan a notamment mis en exergue la perception de nos partenaires sur notre action.

Dans les grandes lignes, la conclusion était qu’en tant que territoire, nous essayions de donner des signaux de destination, en vain. On voulait être partout, sans être pour autant perçus. Alors certes, le classement Parc naturel régional joue d’un capital sympathie. Mais il fallait nous clarifier.

Et de là est née une préconisation : se recentrer en un produit touristique territorial et continuer de jouer sur la singularité de nos paysages … en devenant Géoparc mondial UNESCO !

Donc évidemment, prononcer le nom UNESCO fait briller les yeux des élus… mais aussi ceux des techniciens. Tout le monde a adhéré et en juin 2018, ce positionnement était acté.

 

Il s’agissait donc d’une ambition touristique : valoriser les roches et attirer les passionnés de cailloux ?

Pour être honnête, début 2018, je ne savais pas du tout ce qu’était un Géoparc mondial UNESCO. Je n’en avais jamais entendu parler !
Quand j’ai découvert le label, j’ai tout de suite vu la branche géotourisme qui nous intéressait de par le positionnement et le levier économique qu’elle pouvait représenter. Cela dépassait largement l’approche géologique et cela a ouvert d’autres perspectives !

Il y a deux autres piliers au centre du label Géoparc :

  • La préservation du patrimoine géologique.
    Mesures réglementaires, outils de protection … J’y voyais vraiment quelque chose de pertinent parce qu’on avait ces socles qui commençaient à être bien posés à travers l’animation de réserves naturelles géologiques ou de sites Natura 2000.
  • L’éducation, par sa définition anglo-saxonne.
    Plus que les scolaires, comment sensibiliser tous les publics à cet héritage ? Comment faire comprendre que nos milieux, nos paysages sont tous liés aux sous-sols, à la roche, à l’histoire de la planète ? L’éducation est un également un socle fort des Parcs naturels régionaux qui se trouvait renforcé par cette démarche de reconnaissance.

 

Mais alors concrètement ça change quoi, le passage Géoparc mondial UNESCO ?

Géoparc UNESCO Normandie MaineOutre la reconnaissance internationale et le développement local, nous nous sommes également lancés dans la démarche pour renforcer un sentiment d’appartenance chez les acteurs et les élus locaux afin de solidifier les bases du projet de territoire pour le parc.

Le président a été à la rencontre de nombreux élus et partenaires pour présenter et porter l’ambition de cette candidature. Nous avons reçu l’adhésion et des lettres de soutien des présidents de Régions, Départements, EPCI et de nombreux partenaires. Dès ce moment-là, on a ressenti un fort soutien et un resserrement des élus autour du Parc.
On apportait vraiment une plus-value au territoire avec ce projet, ça a été souligné à de nombreuses reprises.

C’est aussi grâce à cette dynamique que nous avons pu finaliser la démarche de ré-adhésion du territoire au label Parc naturel régional. C’était un très bon timing : on venait d’être reconnu Géoparc mondial UNESCO et on sollicitait 3 mois plus tard les communes pour renouveler leur engagement au sein du PNR pour 15 ans.

Donc oui, du côté fierté, il y a vraiment quelque chose de fort qui s’est initié.

Maintenant que le label est décroché, c’est encore plus le cas. On a vraiment des communes qui disent « moi je veux afficher cette reconnaissance UNESCO sur ma commune ». Nous sommes d’ailleurs en train de revoir tous nos panneaux d’entrée de commune.
Pour l’instant, la démarche s’appuie essentiellement sur les élus et les partenaires du territoire. On a quand même fait une fête avec les habitants pour célébrer avec eux l’obtention du label. On ne touche pas tout le monde : 1500 personnes sont venues, sur 100 000 habitants au total. Mais nous disposons aussi du journal du Parc et du Géoparc qui est reçu dans toutes les boîtes aux lettres et dans lequel nous avons publié un dossier conséquent sur le sujet cette année. Nous essayons vraiment de partager le label afin que les gens soient fiers. Et on explique aussi que ce label n’apporte pas de contrainte. Je suis par exemple dans une communauté de grimpeurs, et à chaque fois que je leur en parle ils me disent : « tu vas encore nous interdire d’aller dans les cailloux ».

 

Vous avez donc trouvé le remède au complexe géologique normand ?

Géoparc UNESCO Normandie MaineCe n’était pas gagné ! Il y a eu une peur autour de la croyance “on n’a pas du tout le territoire approprié pour répondre à ce label”.
Je ne sais pas si vous êtes déjà venus dans ce secteur ? Cela fait 15 ans que j’y vit et je le trouve très beau avec des paysages assez singuliers qui se démarquent : escarpements, vallées, lignes de crêtes, … Mais on reste majoritairement dans une campagne vallonnée avec un paysage de bocage et de forêts. De là à se dire qu’on a un patrimoine géologique de portée internationale qui témoigne de l’histoire de la mémoire de la Terre … pas évident.

Avec le label Géoparc mondial UNESCO, on pense tout de suite aux jeunes chaînes de montagne très hautes, ou encore à des formations géologiques “complètement waouh” qui nous émerveillent (et ce même si on n’est pas géologue). Des éléments que nous n’avons pas sur le territoire. Dans ce contexte, la réussite de notre démarche apporte encore plus de reconnaissance.

 

Et qu’apporte cette envergure internationale ?

Géoparc UNESCO Normandie MaineA titre personnel, je dirais avant tout, beaucoup de rencontres. En tant que coordinatrice de la démarche, j’ai été amenée à porter et présenter notre projet dans les réseaux internationaux notamment dans le cadre des intensive course qu’organise le réseau tous les ans. C’était toujours une expérience humainement très forte. J’ai rencontré des personnes qui œuvrent dans des pays dont la culture est très différente de la nôtre. Nous échangeons sur nos biodiversités respectives : du Chili, à la Chine, en passant par la Tanzanie, à la Russie, aux îles Féroé ou encore à la Normandie. Mais on se retrouve autour d’objectifs communs.

 

Cette coopération internationale est une nécessité. Surtout à l’aune du réchauffement climatique et de l’effondrement de la biodiversité.

Quand on voit ce qu’il va se passer au niveau du climat par exemple, on ne peut plus penser qu’on va être en vase clos sur nos territoires sans être connectés à l’échelle mondiale.

Ce label permet typiquement de monter des projets intéressants en ce sens. A titre d’exemple, nous envisageons d’initier un projet de correspondance entre jeunes des Géoparcs avec un lycée en Espagne et un lycée du territoire.

 

En parlant climat, pouvez-vous nous toucher deux mots à propos de votre modélisation Les futurs du climat ?

Géoparc UNESCO Normandie MaineC’est une action conséquente que l’on mène depuis deux ans avec l’Université de Caen. Les collègues ont mené une modélisation, à une échelle fine, des données du changement climatique sur le territoire en tenant compte de l’exposition et de l’altitude. Des cartes interactives viennent de sortir, une pour chaque EPCI. Elles sont très appréciées ! Ce travail nous a permis de modéliser l’évolution des températures et des précipitations sous deux scénarios : le 4.5, le 8.5 et à l’horizon 2100. L’objectif est de susciter une prise de conscience des impacts potentiels sur nos propres territoires.

C’est une base de discussion pour essayer de construire ensemble des politiques publiques adaptées à ces risques (aujourd’hui, on n’est clairement pas prêts pour +4°C). Dans le label Géoparc, la prise en compte des risques naturels est un éclairage central.

En Normandie, on commence à voir certaines avancées dans la prise en compte de ces conséquences comme les risques liés aux inondations, ou l’anticipation de potentiels feux de forêt mais c’est encore assez faible au regard des enjeux. L’intégration dans un réseau mondial nous amène à prendre conscience concrètement d’autres réalités. Pour vous donner des exemples, il y a eu un congrès du réseau à Marrakech* en plein tremblement de terre. Et récemment, en Islande, on nous a présenté le cas d’un village définitivement évacué par le réveil d’une activité volcanique en sommeil depuis 800 ans.
Tout est en ligne ! Les modélisations et le process sont accessibles gratuitement à qui veut se l’approprier.

 

Un dernier défi pour le mot de la fin ?

Expérimenter pleinement une approche bottom-up. La démarche ascendante est au cœur du fonctionnement d’un Géoparc, c’est une dynamique qui me motive énormément.

Lors du processus de candidature, nous avons associé de très nombreux partenaires mais nous étions encore trop centré sur une logique de réponse aux exigences du label. Nous regardions les critères exigés et nous allions solliciter les acteurs en conséquence. Quand les examinatrices sont venues, elles ont vu une réelle dynamique, ce n’était pas du “fake”, nous travaillons vraiment ensemble. Mais j’estime qu’on a pas suffisamment laissé de place à de la co-construction, prise par les exigences.

ce n’était pas du “fake”, nous travaillons vraiment ensemble

J’ai envie désormais de laisser plus de place à la co-construction avec les partenaires et qu’ils soient pleinement acteurs dans les prochaines missions de revalidation car le label est réévalué tous les 4 ans.

*Mélanie Massias nous confie, en aparté, sa réflexion sur l’enjeu de conscience lié aux voyages en avion pour des raisons professionnelles. Elle mentionne que, parmi les deux réunions annuelles du réseau des Géoparcs, l’une s’est tenue à distance. Elle s’interroge sur la place essentielle de l’humain dans ces réseaux et sur l’impact environnemental de ces déplacements.

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