Ilse, tu as rejoint Atemia au début de l’année en tant que chargée de projet et de recherche. Tu vas mener sur trois ans, une thèse de recherche sur les problématiques de sensibilisation des clientèles touristiques aux enjeux du développement durable. Peux-tu préciser un peu le sujet de ta thèse ?
Mon travail sera centré sur le concept de Frugalité dans le sens de sobriété, dénuement, simplicité. L’objectif est de comprendre comment l’expérience de la frugalité vécue lors d’une expérience touristique en pleine nature peut-elle amener, ou non, à changer sa façon de consommer une fois de retour chez soi (baisse de la consommation, mode de vie plus minimaliste, choix de produits plus responsables…).
Je vais m’appuyer sur deux cas d’étude :
- les clientèles qui pratiquent l’itinérance pendant plusieurs jours ou semaines sur les chemins très connotés de Saint-Jacques de Compostelle
- les clientèles qui dorment en refuge lors de leurs randonnées en montagne.
Je vais identifier les convergences et les différences chez ces deux clientèles.
Qui sont les acteurs qui t’encadrent dans ce travail et quel est leur intérêt dans cette thèse ?
Officiellement, mon temps de travail est partagé entre mon temps de production effectif pour Atemia (50%) et mon temps de recherche (50%).
Côté Entreprise, je travaille en coopération avec les différents chefs des projets sur les études sur lesquelles j’interviens et avec la direction.
Côté Université, je suis encadrée par mes deux directrices de thèses enseignant-chercheur à l’Université Savoie Mont Blanc et spécialisées dans les thématiques de marketing expérientiel et de la consommation responsable. Nous dépendons du laboratoire IREGE (Institut de Recherche en Economie et Gestion) qui dépend lui-même de l’Ecole Doctorale SISEO (Sciences et Ingénierie des Systèmes de l’Environnement et Organisations).
En réalité, les deux mondes interagissent. Les terrains d’études sur lesquels j’interviens nourrissent mon travail de thèse et inversement. Un lien s’est notamment créé entre le directeur d’Atemia et ma directrice de thèse qui supervisent ensemble ce projet de recherche, avec des objectifs de coopération Atemia-Université au-delà de la thèse.
Comment ce travail de recherche va-t-il concrètement se dérouler en lien avec l’université et au sein d’Atemia ?
Avant tout, le sujet de thèse a été défini en concertation avec tous les acteurs impliqués dans un but de servir à la fois les avancées scientifiques dans ce champ d’application (directrices de thèse, laboratoire de recherche, école doctorale) et les ambitions plus concrètes d’Atemia (tourisme en transition).
Le travail de recherche s’articule autour de trois phases : une revue de littérature, un travail de terrain et la rédaction d’articles à visée nationale et internationale issus des résultats obtenus.
- La revue de littérature permet un état des lieux des recherches déjà menées sur les différents champs d’application : changement comportemental, frugalité, marketing expérientiel, psychologie environnementale…
- Le travail de terrain comprend la collecte de données in situ sur Saint Jacques de Compostelle et dans les refuges, ainsi qu’une collecte de données post-expérience, puis une analyse des résultats.
- Enfin, les articles scientifiques rédigés et présentés en colloques feront partie intégrante de ma « thèse par publications ».
Je sais que tu as un petit faible pour les études de clientèle, les analyses comportementales… qu’est-ce qui t’a poussée à choisir ce sujet ?
J’ai obtenu en 2015 un Master Management et Marketing des Destinations Touristiques avant d’exercer cinq ans en Offices de Tourisme à des postes de marketing et relation client, avec un contact quotidien avec les clientèles touristiques dans divers contextes (montagne, lac, urbain). J’ai toujours eu à cœur de comprendre les motivations réelles des consommateurs touristes.
L’humain (de surcroit quand il est en vacances) me fascine.
J’ai besoin de maintenir ce lien avec les individus, de ne pas perdre de vue l’utilisateur final des projets que nous développons.
L’avenir qui nous attend et les défis environnementaux, sociaux et économiques à relever, m’inquiètent également.
Ainsi, il me semble intéressant de mettre mes connaissances et mes intérêts au service d’un objectif qui m’est cher : la préservation de la nature.
Qu’attends-tu de cette thèse pour toi-même et pour le secteur du tourisme ?
Je dirais bien que je voudrais changer le monde… mais restons réaliste.
Pour le secteur du tourisme, je souhaite contribuer à la production de nouvelles connaissances dans le domaine du tourisme encore trop peu étudié en France contrairement à ce qui se fait en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux Etats-Unis et en Scandinavie.
J’espère également faire émerger de ce travail des actions concrètes qui pourront être déployées dans les études à venir au sein d’Atemia.
Et pour ma part, je suis heureuse de renouer avec le milieu de la recherche qui m’a toujours attiré. Je saisis cette occasion de développer une certaine expertise sur des sujets qui me tiennent à cœur et qui me permettent d’apporter un regard différent, plus scientifique aux projets de l’entreprise.
3 ans c’est long – dans cette société où tout va vite ! Comment envisages-tu la gestion de ce temps long ?
C’est une très bonne question !
J’ai conscience qu’il y aura des temps où concilier recherche et production s’avèrera difficile tout simplement parce que ces deux « mondes » ne fonctionnent pas dans la même temporalité : l’un nécessite un processus de réflexion sur un temps long, quand l’autre exige des réponses et des actions rapides et concrètes.
Je suis très soutenue au sein de l’entreprise, qui m’aide à gérer au mieux la dualité de ce poste, avec des missions qui s’entrecroisent et se complètent et un temps juste qui m’est donné pour les réaliser.
L’anticipation et la clarté des objectifs dans chaque sphère restent néanmoins mes meilleures armes pour gérer ce temps sur le long terme, et je suis bien entourée des deux côtés pour ça. Même si, sur fond de crise sanitaire, cela ne sera pas simple…
En parallèle, tu es contributrice et rédactrice sur la plateforme d’information Tourisme en Transition. Quel est le lien avec ton travail de recherche ?
C’est une passerelle entre la recherche et le grand public. D’une part, la plateforme donne accès à des ressources académiques (accès que le grand public n’a pas) et d’autre part, elle permet de les vulgariser pour les diffuser aux acteurs touristiques concernés, avec un vocabulaire plus adapté pour faire passer les messages.
A travers ce travail de veille, je m’inspire des dernières actualités qui peuvent nourrir de façon plus approfondie ma réflexion scientifique.