« Le tourisme de demain : résilient, bienveillant et bas carbone »
« Une participation à la restauration de la biodiversité »
« Un tourisme qui contribue à la lutte contre les changements climatiques »
« Un outil pour faire évoluer durablement les mentalités »

[Dossier] Mise en tourisme de la vie sauvage : des spécialistes du sujet partagent leurs bonnes pratiques

Toucan Tourisme de la vie sauvage

On part de l’autre côté de la planète avec notre thématique d’aujourd’hui : le Wildlife Tourism. Un terme difficile à définir, même pour les spécialistes du sujet ! Nous pouvons proposer les notions de tourisme animalier, tourisme de la vie sauvage ou de tourisme et biodiversité. Ce type de tourisme est tourné vers l’observation et l’interaction avec des animaux sauvages dans leur environnement naturel. Selon les définitions, cela peut s’étendre également à la flore sauvage. Les activités peuvent être passives (observation d’oiseaux ou de baleines) ou actives (participation à une sortie de pêche, toucher les animaux).
Tourisme de la vie sauvage - PlongéeDans le cadre du projet de thèse de recherche mené par Atemia sur les problématiques de sensibilisation des clientèles touristiques aux enjeux du développement durable, nous avons assisté à une conférence en ligne qui posait la question suivante : A quels enjeux la mise en tourisme de la vie sauvage doit-elle répondre pour être bénéfique à la fois au monde animal et aux hommes ? Organisée par Wildlife Tourism Australia entre le 22 et le 25 juin 2020, initialement prévue en présentiel à Brisbane, nous étions plus de 160 participants de 33 nationalités différentes. 25 spécialistes sont intervenus (chercheurs, dirigeants d’ONG, membres d’associations de préservation de la faune et la flore…) sur ces thématiques : le concept d’interprétation de la vie sauvage, la conciliation entre tourisme et préservation, les interactions entre l’humain et la vie sauvage, un focus sur la région Asie et Pacifique, l’impact du coronavirus sur ce secteur du tourisme, ou encore un petit tour des actions marketing qui pourraient contribuer à développer durablement ce secteur.

 

L’industrie du voyage et du tourisme représente environ 10% du Produit Intérieur Brut mondial avec 3,9% du PIB dédié uniquement au secteur du tourisme de la vie sauvage. Cela s’apparente à 343,6 milliards de dollars par an soit l’équivalent du PIB total de l’Afrique du Sud ou d’Hong Kong, d’après Chris Larsen (directeur de Blue Sky Wildlife). Nombreux sont les pays qui se sont emparés de cette pratique comme l’Afrique et ses sorties safaris par exemple. Intéressons-nous ici à l’Australie et plus largement à l’Asie du Sud-Est qui concentrent la majorité des présentations issues de cette conférence.

Voici les enseignements clés que nous avons retenus de ces échanges :

L’interprétation pour sensibiliser

Favoriser le concept de l’interprétation pour sensibiliser les visiteurs à la compréhension et à l’appréciation de la faune et la flore sauvage, de leur environnement naturel et de leur comportement afin d’encourager des actions de préservation de ces espèces. La notion d’interprétation vise à impliquer fortement le visiteur dans son environnement par des techniques de divertissement et d’apprentissage. Noël Scott, professeur de Management du Tourisme au centre de recherches du développement durable de l’Université australienne de Sunshine Coast, va plus loin en intégrant la notion « d’expérience de la biodiversité » comme vecteur d’un apprentissage plus impactant et mémorable car en lien directement avec une approche émotionnelle plutôt que cognitive. Noël Scott propose 3 étapes pour immerger le visiteur dans une véritable expérience :

  1. Avant la visite : comprendre les objectifs et l’imaginaire du visiteur.
  2. Pendant la visite: susciter de l’émotion, de l’inédit et le la surprise, capter l’attention, encourager la participation et la co-création, raconter des histoires.
  3. Après la visite : garder le contact avec le visiteur, l’inciter à se rappeler de ce moment, à le garder en souvenir.

 

Une situation économique post COVID-19 dramatique pour les pays dépendants de l’industrie touristique.

Elephants tourisme et biofiversité
La fondation « Save Elephant » a levé des fonds pour venir au secours de ces éléphants
Crédits photos : Emily Flower

La fermeture des frontières et l’arrêt instantané de toute forme de tourisme plongent l’activité touristique et les populations qui en dépendent dans une situation très difficile. Emily Flower, de Griffith University en Australie, choisit l’exemple des éléphants élevés en captivité dans des campements en Thaïlande dans un objectif touristique comme illustration. Le déclin du tourisme international a très fortement touché la ce pays avec une baisse d’environ 15 millions de touristes. Et là-bas, pas de télétravail quand on élève des éléphants ! Sans touristes, les gestionnaires de ces campements ne peuvent plus, ni nourrir les éléphants, ni payer les éleveurs. Ces derniers, privés de revenus, sont alors forcés de retourner avec leurs éléphants dans leur village d’origine. L’avenir des « éléphants à touristes » est donc très incertain. Mais n’est-ce pas là une opportunité de repenser l’industrie touristique dans son ensemble dans ces pays où le tourisme est roi ? Il est urgent de se demander comment contourner le tourisme de masse comment assurer la préservation des espèces comme l’éléphant, comment élever le niveau de vie des populations locales, comment diversifier les sources de revenus, si vulnérables en tant de pandémie. Voilà de grands défis à relever pour assurer une transition vers un nouveau modèle.

 

Repenser la relation et les contacts entre humains et animaux sauvages.

Biodiversité et tourisme
De multiples opportunités de contact homme/animal en séjour touristique.
Crédits photos : Daniel Turner, Animondial

Nombreux sont les rapports qui confirment que le virus COVID-19 est d’origine animale et s’est transmis par l’intermédiaire des marchés d’animaux vivants. De nombreuses espèces différentes se retrouvent donc en contact, alors qu’elles n’auraient pas dû l’être, dans des conditions déplorables. Résultats : les animaux se transmettent le virus, qui finit par être transmis à l’homme de par sa proximité. Daniel Turner, co-fondateur et dirigeant d’Animondial, atteste qu’il est temps d’évaluer les risques existants liés au contact entre les hommes et les animaux, notamment au cours d’activités touristiques, et de mettre en place des mesures visant à limiter ces risques. Tous les acteurs du tourisme doivent prendre leur responsabilité et ont un rôle important de prévention et régulation à jouer en commençant par exemple à imposer des règles strictes limitant les contacts humains/animaux dans les parcs animaliers.

 

Une approche communautaire pour développer l’économie locale et favoriser la conservation d’une espèce.

Communautés locales autour du tourisme et de la biodiversité
Rencontres avec les communautés locales pour développer un tourisme harmonieux.
Crédits photos : Maulita Sari Hani

Depuis 2017, plusieurs membres de l’association Conservation International Indonesia dont Maulita Sari Hani, observent le requin-baleine au niveau de la baie de Saleh, sur l’île Sumbawa en Indonésie. Le satellite fixé sur leur nageoire dorsale permet de suivre l’animal pendant deux ans. Les membres de l’association ont mené une étude qui démontre que les habitants de l’île étaient favorables à une mutualisation des enjeux de conservation du requin-baleine et de développement d’un tourisme raisonné. Une approche communautaire s’est mise en place pour dynamiser le tourisme : les habitants des villages alentours ont mis à profit leurs propres compétences pour participer à la mise en tourisme du lieu (guide local, location de bateau, hébergeur, restaurateurs, boutique souvenirs, transport local…). Ils complètent ainsi leurs revenus principalement basés sur la pêche et l’agriculture.

Depuis 2018, 700 villages se sont impliqués et ont accueilli 478 visiteurs.

Ceci a généré des milliers de dollars en faveur de la préservation des espèces et des initiatives locales.  L’ implication du gouvernement dans cette initiative n’est pas négligeable, puisqu’il s’attèle à mettre en place des règles et un code de conduite, à partager les « best practices », à créer des infrastructures, à former les habitants et les différentes parties prenantes, etc. Le plus grand défi de l’association cependant est d’adapter son management à chaque communauté, car les habitants ont parfois des points de vue qui diffèrent, pour que tous puissent travailler ensemble. C’est une belle approche participative qui développe le sens d’appartenance à une communauté et qui encourage un tourisme durable en faveur de la préservation du requin-baleine.

 

La gestion contrôlée d’un site touristique pour limiter l’impact négatif du tourisme sur la biodiversité>.

Protection de la raie manta dans le cadre d'une activité touristique
Exemple d’une procédure mise en place sur le site du Raja Ampat Sea Centre
Crédits : Raja Ampat Sea Centre

Nous pouvons prendre exemple sur le Raja Ampat Marine Park, un parc à thème consacré à la raie Manta situé sur l’île de Papua en Indonésie. Ce lieu est un véritable sanctuaire de deux espèces de raies Manta. Ce poisson, fortement menacé, est particulièrement bien protégé par les lois indonésiennes. Il faut dire que l’espèce vedette attire des milliers de touristes qui rêvent de nager avec elle. Des mesures de contrôle sont donc indispensables pour veiller à la préservation du poisson tout en assurant une expérience touristique incroyable. Des études scientifiques ont abouti à des moyens de protection efficaces : patrouille quotidienne, intervention de gardes-forestier (mais pour le milieu marin !), utilisation de supports d’interprétation, obligation de réserver son créneau, paiement de frais d’entrée dans le parc (d’un montant plus élevé pour les étrangers que pour les Indonésiens, ces frais servant à entretenir et surveiller le parc marin). Le seuil limite de touristes (qu’ils soient nageurs ou simples visiteurs) est fixé à 20 personnes par heure, sur la base de 6 jours par semaine de septembre à avril. Cette démarche de conservation de la raie Manta combinée à une expérience touristique contrôlée,  construite sur des ressources scientifiques et basée sur une gestion communautaire (cf. le paragraphe précédent) est encore assez singulière en Indonésie et gagnerait à être imitée.

 

Ces thématiques vous intéressent ? Découvrez Wildlife Tourism Australia, une association australienne à but non lucratif qui représente des acteurs du tourisme, des chercheurs, des entreprises et des associations qui défendent une idée commune : promouvoir le développement durable d’une forme de tourisme qui soutienne la préservation de la biodiversité. WTA exerce un rôle pivot entre les diverses parties prenantes du tourisme, et dispose par ailleurs de nombreuses ressources scientifiques de qualité sur ces sujets.  Consultez le programme de ces conférences pour en savoir plus sur les intervenants, approfondir ces exemples ou découvrir d’autres sujets tout aussi passionnants. Et, si la situation se rétablie, la prochaine conférence organisée par Wildlife Tourism Australia aura lieu du 27 juin au 1er juillet 2021 à Griffith University, Brisbane (Australie).

 


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