On l’a tous vu : ce jogging à 18h en pleine ville devenu presque un rite de passage post-bureau, le boom des stations de trail, l’engouement des collectivités (et celui des usagers ?) autour des JO… Tout ça sent bon le sport et le retour à la nature, les pratiques outdoor. Mais est-ce vraiment toujours le cas ?
Depuis la pandémie, les activités physiques en plein air ont connu un véritable engouement. Une réponse instinctive à l’enfermement, à la sédentarité. Pourtant, certains néo-ruraux ont depuis remballé leurs rêves de cabane au fond des bois. Alors, où en sommes-nous dans notre rapport au sport dans les loisirs et les vacances ?
Tourisme & outdoor : on parle de quoi au juste ?
Évidemment, on pense à la randonnée pédestre, au vélo, à l’équitation. Mais le spectre est bien plus large, et englobe aussi des pratiques moins attendues :
- la spéléologie (pour les amateurs de grottes),
- la via ferrata (si vous êtes claustro mais pas sujet au vertige),
- l’apnée (version profondeur),
- le parapente (pour se prendre pour un oiseau),
- sans oublier les sports motorisés comme le jet-ski, la moto ou le quad.
Leur point commun ? Une pratique en extérieur ne nécessitant pas d’infrastructure spécifique (source : Pôle Ressources National Sports de Nature, 2021). Exit donc les salles de crossfit ou le futsal : ici, on parle d’espace naturel.
Analyse des pratiques outdoor : qui pratique, et comment ?
Le phénomène est loin d’être marginal : 1 Français sur 3 se déclare pratiquant de tourisme sportif, et 62 % affirment vouloir s’y mettre. Un signal clair : l’activité physique en voyage séduit de plus en plus.
Ce tourisme sportif recouvre plusieurs formes :
- Tourisme sportif de pratique : on intègre une activité physique à ses vacances. Classique mais solide : 23 % des Français (soit 11 millions de personnes) s’y retrouvent.
- Tourisme sportif d’itinérance : pour les aventuriers. Moins répandu (10 % des Français), il varie selon le mode : randonnée et vélo (7 %), équitation (à peine 0,5 %).
- Tourisme sportif de visite : les fans du Tour de France venus grimper les cols, ou les curieux qui visitent un stade ou un musée sportif. Moins d’effort, mais un attachement fort à l’univers.
- Tourisme sportif de spectacle ou d’affaires : à ne pas oublier non plus, même s’il est parfois plus discret dans les chiffres.
Pourquoi on s’y met ?
Les motivations sont diverses et souvent complémentaires :
- 🧘 30 % pour la santé et la convivialité
- 🌳 29 % pour la nature et la détente
- 😍 19 % pour le plaisir
- 💪 16 % pour la forme physique
- 🧗 6 % pour la performance ou l’aventure
Déclencheur ou simple complément ?
C’est toute la différence entre deux façons de voyager. Voici deux exemples concrets :
- Planifier un marathon à Paris, en Norvège ou à Hawaii, c’est faire du sport le déclencheur du séjour.
- Louer un vélo entre deux visites de châteaux, c’est une pratique complémentaire, voire occasionnelle.
Et cette distinction n’est pas anodine : elle oriente les modèles d’accueil, les infrastructures à prévoir, et les services à déployer.
Des pratiques outdoor qui engendre des défis
L’essor des pratiques outdoor pose deux grands défis :
- La gestion de la fréquentation et la préservation des milieux.
Le tourisme sportif peut drainer des foules. On a tous en tête les calanques bondées ou l’Everest encombré. Or, 88 % des usagers se disent favorables à des quotas d’accès. Preuve que la question n’est plus taboue. - Le changement climatique.
Il modifie déjà nos pratiques : 43 % des usagers déclarent qu’elles sont impactées. Difficile de courir en pleine canicule ou de naviguer en période de sécheresse.
Et pour les pros ? C’est encore plus frappant : 92 % se disent préoccupés, et 78 % déjà touchés.
Un modèle économique à réinventer
Le paradoxe est là : les pratiques outdoor attirent, mais reposent sur une économie fragile. Comment financer des aménagements durables pour une activité libre, souvent gratuite ?
Citons, deux pistes inspirantes :
- On Piste : un acteur privé qui accompagne les collectivités dans la structuration de leur offre outdoor (diagnostics, balisage intelligent, communication). Derrière ? Le groupe Rossignol, qui diversifie ses activités montagne.
- Les bases de pleine nature : autrefois réservées aux groupes, elles s’ouvrent aux individuels, avec location, activités, vestiaires, voire formations certifiantes. Une montée en gamme bienvenue.
Responsabilité : le nerf de la guerre
Même pour une simple randonnée. Même sur un sentier « naturel ». Toute activité en milieu naturel s’inscrit dans un cadre réglementaire.
Ce que dit le droit à propos des pratiques Outdoor
Tout porteur de projet (collectivité, association, privé…) doit obtenir les droits d’usage ou de gestion des sites mis à disposition. Sans accord ? C’est une violation du droit de propriété. Les collectivités (maires, préfets) ont une responsabilité de police : signalisation, sécurité, arrêtés en cas de danger… autant de mesures à anticiper.
L’information, clé de voûte
En cas d’accident, les juges regardent deux choses :
- Le comportement du pratiquant (était-il informé des risques ?)
- La responsabilité des autorités ou gestionnaires (ont-ils fait le nécessaire ?)
D’où l’importance d’une information claire : affichage, cartographie à jour, indications de risques (chutes de pierres, crues, neige…).
Qui est responsable, alors ?
Plusieurs niveaux responsabilité sont à identifier :
- Le propriétaire foncier, s’il y a manquement à son obligation de sécurité
- Le gestionnaire, si les équipements sont défaillants ou non conformes
- L’autorité publique, en cas de carence de police (ex : site dangereux laissé sans signalement)
Caricaturons un peu : un accident grave sur un sentier non balisé, et c’est tout un pan de ce “tourisme qui bouge” qui peut se retrouver menacé. Car la pratique en plein air, aussi libre et spontanée soit-elle, repose sur un cadre juridique de plus en plus structurant. La montée en puissance des sports de nature et activités outdoor s’accompagne donc d’un impératif de responsabilité partagée : entre collectivités, gestionnaires de sites, propriétaires fonciers, et pratiquants.
Quelques sources et ressources :
- Synthèse “Analyse des évolutions du tourisme sportif” du Pôle Ressources National Sports de Nature (2024)
- Rapport “Les sports de nature en France” de l’INJEP (2022)
- Enquête “Sport et loisirs de nature en France” du Pôle Ressources National Sports de Nature (2021)